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Cette page vulgarise nos connaissances liées à la dynamique littorale le long des plages d'Aquitaine. Celles-ci s'appuient sur la modélisation mathématique et numérique, des expériences en laboratoire, le suivi vidéo et bien sûr des campagnes de mesures réalisées sur les plages d'Aquitaine: principalement le Truc Vert et Biscarrosse mais aussi et surtout sur des travaux menés sur d'autres littoraux sableux dans le monde (le littoral aquitain n'est pas un "cas particulier" en physique du littoral!).

 


Qu'est ce qu'un courant de baïne?

Comment se forment les systèmes barre/baïne? (en construction)

 

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En préambule, si vous voullez savoir oú est quand vous pouvez vous jeter à l'eau le long des plages océanes, se référer à cette page web très bien faite du Syndicat de Gestion de Baignade Landaise (SMGBL). Et pour une vidéo vulgarisée sur le danger des barre/baïne il y a la vidéo c-dessous réalisée en collaboration avec l' Observatoire de la Cote Aquitaine (OCA)



Qu'est ce qu'un courant de baïne?



Généralités et avant-propos:
 
Avant tout, la connaissance empirique (les sauveteurs de votre poste de secours) est la meilleure source d'information pour prévenir les risques liés aux courants de baïne car tous les systèmes barre/baïne sont différents. Sauf si, et seulement si, vous êtes un usager des plages d'aquitaine tout le long de l'année (e.g., surfeur expérimenté), se renseigner au près du poste de secours, ne pas surestimer ses capacités physiques et de ses aptitudes en natation (l'atlantique n'est pas une piscine), aller dans les zones de bain surveillé, écouter les conseils des sauveteurs et rester humble devant l'océan. Le texte ci-dessous n'a pour vocation que de satisfaire la curiosité face à ce phénomène.


Le courant de baïne, courant intense, étroit et dirigé vers le large, que l'on rencontre le long du littoral aquitain, fait partie de la famille des "courants d'arrachement contrôlés par la morphologie locale du fond". On rencontre ce type de courant sur l'immense majorité des littoraux sableux exposés aux houles océaniques. L'originalité de ces courants sur le littoral aquitain est que le marnage, autrement dit l'amplitude de la marée, est très important (> 4.5 m pendant les marées de vives eaux). En conséquence, le courant de baïne apparait et disparait au fur et à mesure des marées ce qui rend ce courant d'arrachement plus "vicieux" qu'ailleurs.

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Avant toute chose, puisqu'on rencontre un certain nombre de contre-vérités sur ce courant en parcourant le web (de certains sites persos jusqu'à wikipedia.fr), il est important de préciser ce que n'est pas un courant de baïne:
  • - Le courant de baïne ne vous aspire pas vers le fond.

  • - Le courant de baïne n'est pas un courant induit par la marée. Autrement dit, ce n'est pas l'onde de marée qui, quand celle-ci descend, se vide par la sortie de baïne. Par contre la hauteur de la marée, i.e. la hauteur du plan d'eau à un instant t, détermine (en fonction des conditions de houle et de la morphologie du système barre/baïne considéré) si le courant de baïne est présent ou non. Il y a bien une "signature" de courant de marée si on place un courantomètre en sortie de baïne, mais celle-ci est très faible comparée à la contribution des vagues.

  • - Le courant de baïne ne se forme pas parce qu'un banc de sable "cède" en sortie de baïne induisant une vidange de celle-ci.
 
Comment se forme un courant de baïne (ou courant d'arrachement)?
 

Le moteur principal du courant de baïne est le déferlement des vagues. Les vagues en déferlant ont pour effet de "pousser" les masses d'eau dans le sens de son déferlement.

Si on prend l'exemple d'une plage avec un chenal (équivalent d'une sortie de baïne), les vagues vont déferler là où la hauteur d'eau est la plus faible, c'est-à-dire au-dessus des barres, et pas ou peu dans le chenal qui est plus profond. Les vagues vont donc pousser les masses d'eau vers la plage au niveau de la barre (flèches vertes). Une partie de cette poussée va induire une surélévation du niveau moyen de la mer (en rouge, typiquement quelques dizaines de centimètres, i.e. invisible à l'œil nu). Une autre partie de cette force va être transférée pour mouvoir les masses d'eau. En effet, au niveau du chenal la présence et l'absence d'une force vers la plage respectivement au-dessus de la barre et au-dessus du chenal induit une force "vortex" (jaune). Cette force va ainsi aspirer les masses d'eau du chenal et créer ce courant d'arrachement (ou courant de baïne).

Bien sûr le chenal ne se vide pas car se crée en même temps que le courant d'arrachement des courants vers le bord au-dessus de la barre entretenant ainsi le courant d'arrachement tant que les vagues déferlent. C'est pourquoi dans la littérature scientifique on parle le plus souvent de "cellules de circulation des courants d'arrachement".
 
 

Anim_baïne

baïne1
 
Quelles sont les conditions favorisant la présence d'un courant de baïne?
 
3 paramètres déterminent la présence et l'intensité du courant de baïne: (1) la morphologie du fond, (2) les conditions de houle et (3) la hauteur du plan d'eau (hauteur de marée à l'instant considéré). La figure ci-dessous montre une situation sur la plage de Biscarrosse où toutes les conditions sont réunies pour générer un courant de baïne puissant sans nécessiter des fortes hauteurs de vagues.


Courant de baïne Biscarrosse
Exemple de simulation des courants induits par les vagues sur la plage de Biscarrosse, entre la mi-marée et la marée basse le 13 juin 2007 mettant en évidence la présence de 3 courants de baïne sur le secteur. La photo montre l'emplacement du courant de baïne le jour même. Nos mesures montrent que le courant de baïne à cet endroit et à cet instant de la marée était de l'ordre de 1 mètre/seconde alors que les vagues au large ne dépassaient pas 1 m
 
La morphologie du fond est très importante. Plus que la morphologie de la baïne, c'est la morphologie de la sortie de celle-ci (le plus souvent invisible même à marée basse) qui est importante. Globalement, plus le chenal de sortie sera développé (profond et étroit), plus la force vortex sera importante et plus elle aura la capacité d'"aspirer" au large les masses d'eau de la baïne.
 
Les conditions de houle sont également importantes: ces courants d'arrachement sont les plus intenses pour (1) des hauteurs de vagues importantes, (2) des périodes de vagues longues (i.e. > 6-7 secondes, autrement dit formées assez loin dans l'Atlantique Nord par des systèmes dépressionnaires suffisamment creux) et (3) pour des incidences de vagues assez frontales. Nous avons déjà mesuré des courants de baïne > 1 m/s pour des vagues de hauteur 0.8 m mais avec une période de 12 secondes et une incidence ouest. A l'opposé, pour des houles courtes (< 6-7 secondes) avec une incidence très nord-ouest, il n'y aura pas de courant de baïne même si les vagues sont grosses. On aura plutôt dans ce cas la présence d'un "courant de dérive" vers le sud, i.e. un courant assez homogène parallèlement à la plage.
 
La hauteur de la marée est cruciale. Considérons par exemple des marées de vives eaux (i.e. gros coefs) et des vagues d'été (hauteur ~ 1 m) et un système barre/baïne "classique". A marée basse, le système barre/baïne est découvert, les vagues déferlent au large de celui-ci. Il n'y pas de déferlement au-dessus de la barre et le courant de baïne de se forme donc pas. Entre la marée basse et la mi-marée, le système barre/baïne est recouvert, il y a assez d'eau au-dessus de la barre pour que les vagues déferlent, alors que c'est peu ou pas le cas en sortie de baïne. La "force vortex" est à son maximum et le courant de baïne est donc actif. A marée haute, la hauteur du plan d'eau est assez élevée pour que les vagues ne déferlent plus au-dessus du système barre/baïne (les vagues déferlent en haut de plage), il n'y a plus de force vortex, et il n'y a donc pas de courant de baïne. A noter que plus la hauteur des vagues au large est importante, plus on a de chances d'observer des courants de baïne en se déplaçant vers la marée haute.

Maree et courant de baïne
Illustration de l'influence de la marée sur l'activité du courant de baïne pour une marée de vives eaux et une houle peu énergétique et frontale.

 
Quoi d'autre sur le courant de de baïne?

Le courant de baïne n'est pas stationnaire! En effet, à une hauteur de marée donnée, le courant "pulse" sur des échelles de temps de l'ordre de quelques minutes, principalement lié aux ondes de groupes (i.e. séries de vagues), et sur une dizaine voir une vingtaine de minutes (sur ce point il n'existe pas dans la littérature de consensus sur le principal mécanisme moteur). Cette dynamique instationnaire est extrêmement importante pour la sécurité de la baignade puisque c'est très souvent lors d'une pulsation du courant d'arrachement (associée à une oscillation vers le large de l'ensemble des cellules de circulation du courant d'arrachement) qu'une partie du courant se décolle et migre vers le large. C'est pendant ces événements que des "grappes" de baigneurs peuvent être emportées rapidement vers le large.

 
Courant de baïne instationnaire
Nos mesures sur le terrain associées à la modélisation physique et numérique montrent que, dans la majorité des cas, environ 80% des baigneurs pris dans un courant de baïne restent dans la cellule de circulation et reviennent en eau peu profonde en moins de 10 minutes sans avoir à nager, le reste étant expulsé loin au large pendant des épisodes de pulsation. Même si ces mesures sont statistiquement significatives, tous les courants de baïne sont différents et il existe une large variabilité dans les comportements instationnaires de ces courants.



Rappelons que le courant de baïne appartient à la famille des courants d'arrachement, courants intenses et étroits dirigés vers le large induits par le déferlement des vagues. Sur le littoral aquitain, on peut observer d'autres formes de courants d'arrachement. Parmi ceux-là, donnons ici quelques mots sur les "courants d'arrachement de cap". On peut trouver ce type de courant le long des caps rocheux où le long des épis construits pour stabiliser la plage. On rencontre donc ce type de courant plutôt dans le pays basque.

Le mécanisme de formation des courants d'arrachement de cap est différent de celui de la formation du courant de baïne (pour plus d'informations, consulter l'article Castelle and Coco, 2013, GRL, téléchargeable plus bas sur cette plage). L'une de particularités des courants d'arrachement de cap est que, comme on le voit sur la simulation à droite, ils ont la particularité de potentiellement expulser très loin vers le large les baigneurs. Dans cette simulation, des centaines de baigneurs "passifs" (points noirs) sont disposés dans la zone de déferlement (délimitée grossièrement par la ligne pointillée rouge). On voit que 100% des baigneurs pris dans le courant d'arrachement de cap à droite sont expulsés vers le large loin en dehors de la zone de déferlement. Au contraire, ceux pris dans le courant d'arrachement de cap à gauche restent systématiquement dans la zone de déferlement. Il existe donc une large variabilité de comportements des chenaux de cap, et ce qu'il faut retenir est qu'ils sont potentiellement très dangereux.
 
Courant de baïne instationnaire


 
Que nous reste-t-il à comprendre du courant de baïne?

Beaucoup... Les recherches sur le courant de baïne, mais surtout plus largement les courants d'arrachement partout dans le monde, visent (1) à mieux comprendre leur contribution dans le mélanges des masses d'eau et les échanges hydro-sédimentaires entre le plateau continental et les franges littorales ce qui est important le transport des polluants et nutriments, (2) explorer leur interaction avec la morphodynamique court terme (quelques jours) des plages ou encore (3) développer des méthodes pour prédire leur occurrence. La courte liste est loin d'être exhaustive!

Les échanges entre scientifiques et les sauveteurs sont de plus en plus d'actualité, en particulier dans les pays anglo-saxons, afin notamment de converger vers des recommandations les plus simples et les plus universelles (e.g., Rip Current Symposium tous les 2 ans depuis 2010, comité RipSafe). Non seulement des physiciens, mais aussi des chercheurs en Sciences Humaines et Sociales et en Psychologie participent à ces discussions à l'échelle internationale. Un des sujets de discussion est par exemple doit-on "nager parallèle" ou "se laisser flotter". Cette question est complexe: dans le cas du courant d'arrachement de cap de droite on voit qu'il faudrait bien sûr nager parallèlement vers la gauche, mais se laisser flotter si on est pris dans celui de gauche! Pour les courants de baïne et d'arrachement en général, c'est très, très, très complexe, pour un nombre de raisons bien trop important pour être listées ici.

 
En savoir plus?

Pas beaucoup de littérature scientifique en français sur le sujet (cliquer sur le lien pour télécharger le document):

Thèse de doctorat de Niolas Bruneau:
Bruneau, N., 2009. Modélisation morphodynamique des plages sableuses. Thèse de Doctorat, Université Bordeaux 1.

Mon Habilitation à  Diriger des Recherches:
Castelle, B., 2012. Modélisation et analyse physique des processus hydro-sédimentaires contrôlant l'évolution des littoraux sableux. Habilitation à Diriger des Recherches, Université Bordeaux 1.

Un article qui commence à dater:
Castelle, B., Bonneton, P., 2006. Modélisation du courant sagittal induit par les vagues au-dessus des systèmes barre/baïne de la côte aquitaine (France), Comptes Rendus Géoscience, 338, 711-717.

Un récent reportage sur France 3 Aquitaine:
http://aquitaine.france3.fr/2013/06/21/danger-sur-nos-cotes-274499.html


En anglais, quelques articles pertinents sur les courants d'arrachement publiés par notre équipe METHYS (cliquer sur le lien pour télécharger le document):

Bonneton, P., Bruneau, N., Castelle, B., Marche, F. (2010). Large-scale vorticity generation due to dissipating waves in the surf zone. DCDS-B, 13(4), 729-738.

Bruneau, N., Castelle, B., Bonneton, P., Pedreros, R., Almar, R., Bonneton, N., Bretel, P., Parisot, J-P. and Sénéchal, N. (2009). Field observations of an evolving rip current on a meso-macrotidal well-developed inner bar and rip morphology. Continental Shelf Research, 29,1650-1662.

Bruneau, N., Bonneton, P., Castelle, B., Pedreros, R. (2011).  Modeling rip current circulations and vorticity in a high-energy meso-environment. Journal of Geophysical Research - Oceans, 116, C07026, doi:10.1029/2010JC006343

Castelle, B., Reniers, A.J.H.M., MacMahan, J., (2013). Numerical modeling of surfzone retention in rip current systems: on the impact of surfzone sandbar morphology. In Proc. Coastal Dynamics'13, 295-304

Castelle, B., Michallet, H., Marieu, V., Leckler, F., Dubardier, B., Lambert, A., Berni, C., Bonneton, P., Barthélemy, E., Bouchette, F. (2010). Laboratory experiment on rip current circulations over a moveable bed: drifter measurements. Journal of Geophysical Research - Oceans, 115, C12008, doi:10.1029/2010JC006343.

Castelle, B., Coco, G. (2013). Surf zone flushing on embayed beaches, Geophysical Research Letters,40, 1-5.




Comment se forment les systèmes barre/baïne?




On rencontre une succession de barres et de baïnes tout le long du littoral aquitain avec, en moyenne, environ un système tous les 350-400 mètres. Sur la figure de droite, on voit que ces systèmes sont parfois très réguliers avec des baïnes s'ouvrant préférentiellement vers le sud, i.e. dans le sens prédominant de la dérive littorale (en raison des houles majoritairement d'incidence Nord-Ouest), c'est l'image "classique" sur le littoral aquitain. Toutefois, force est de constater que la majorité du temps les systèmes sont plutôt irréguliers (cf figure de droite).


Aquitaine
Une question récurrente est: comment se forment ces systèmes barre/baïnes? On entend souvent "personne ne sait". Au contraire, on sait depuis assez longtemps comment et pourquoi ces systèmes se forment, le principal souci est de réussir à donner une explication simple car on est en face de processus physiques extrêmement complexes. Pour ce faire, il est judicieux de rappeler ci-dessous une notion fondamentale en mécanique qui est la notion d'équilibres stables et instables.

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Prenons l'exemple d'un pendule avec une tige rigide soutenant une boule de masse M. Cette boule n'est soumise qu'à deux forces: la tension de la tige T et son poids P. Lorsque cette boule est à la verticale en bas (bleu) elle est en équilibre (T+P=0). Si on bouge légèrement cette boule, elle revient à sa position d'équilibre, elle est donc en équilibre stable. Prenons maintenant la boule à la verticale en haut (rouge). La boule est en équilibre (T+P=0). Par contre si on bouge légèrement la boule d'un côté ou de l'autre, celle-ci va descendre en tournant autour de l'axe, elle est donc en équilibre instable.

C'est exactement le même principe pour les plages sableuses (avec du sable pas trop fin!) exposées aux houles océaniques: ces plages dans un état homogène (plage rectiligne) sont en équilibre instable. Evidemment ici c'est bien plus compliqué que la situation du pendule avec juste deux forces. En effet, la physique des plages sableuses soumises à l'action de la houle rassemble des processus hydro-sédimentaires très complexes et très non-linéaires impliquant en plus beaucoup de rétroactions: propagation des vagues, déferlement, génération des courants, transport sédimentaire et évolution du fond associé, etc. Pour ces phénomènes d'instabilité des systèmes complexes en physique, on parle souvent de systèmes "auto-organisés". Ces systèmes "auto-organisés" ont tous des propriétés "émergentes" qui ont la particularité d'avoir une structuration cohérente (motifs réguliers, voir analogies dans d'autres domaines de la physique: cosmologie, thermodynamique, etc.). C'est pourquoi les systèmes barre/baïne ont une certaine longueur d'onde le long de la plage.

Pour simuler la formation des systèmes barre/baïne, il faut développer des modèles mathématiques et numériques très complexes. Ci-dessous nous montrons un exemple de simulation (sans marée) où on voit que, en partant d'une plage sableuse rectiligne de 2 kilomètres soumise à une houle légèrement oblique, des systèmes barre/baïne réguliers se forment au bout de quelques jours en migrant le long de la plage. On voit également que ces systèmes barre/baïne sont couplés à des cellules de circulation des courants d'arrachement (courant de baïne). Deux choses importantes ici peuvent être soulignés: (1) l'évolution des systèmes barre/baïne est indissociable de la dynamique des courants d'arrachement (ou de baïne) puisqu'ils interagissent en permanence et (2) la formation des systèmes barre/baïne ne nécessite pas la présence de marée contrairement à ce qu'on peut entendre ici et là. La marée a plutôt pour effet (1) d'inhiber légèrement la morphodynamique des systèmes barre/baïne et (2) de favoriser la formation de "cuvettes" vers le bord dans l'alignement du chenal qui rend donc la morphologie des systèmes barre/baïne légèrement différente de celle des systèmes plus "classiques" qu'on observe sur les autres plages océaniques, en particulier aux Etats-Unis et Australie qui sont les systèmes les plus documentés.

Formation des baïne
Exemple de simulation de la formation de systèmes barre/baïne


Ce schéma d'instabilité marche donc pour les plages sableuses (sable pas trop fin) exposées aux houles océaniques. Si la plage est exposée aux houles océaniques mais avec du sédiment très fin, alors on n'observe pas ce type de système mais plutôt une plage plane de pente très douce. C'est par exemple le cas des plages du sud-ouest de l'île d'Oléron pourtant soumises aux même houles que l'Aquitaine et qui ne présentent pas de système barra/baïne. A l'opposé, des plages soumises à des houles courtes (générées localement) avec du sable très grossier seront très pentues et n'auront pas non plus ce type de système: dans un cas assez extrême, on peut parler des plages de galets de Nice.

 
Quoi d'autre les système barre/baïne?

Comme nous l'avons vu plus haut sur une des photos, les systèmes barre/baïne sont très souvent irréguliers le long de la plage. C'est simplement parce que les conditions de houle ne sont jamais stationnaires et que le système répond en permanence aux changements de régimes de houle. Comme les temps de réponses morphodynamique sont typiquement très lents, en tout cas plus lents que les échelles temporelles associées aux changements de régimes de houle, les systèmes sont donc la plupart du temps irréguliers compte-tenu de la grande variabilité des trains de houle impactant le littoral aquitain. Pendant l'été on peut avoir la prédominance de houles de nord-ouest avec des période de 7-12 secondes et des hauteurs entre 0.5 et 1.5 mètres, i.e. une faible variabilité dans le forçage des vagues: c'est dans ces conditions qu'on observe le plus souvent des systèmes réguliers.

Les systèmes barre/baïne sont parfois absents, principalement dans deux situations: (1) des houles de tempêtes (hauteurs de vagues supérieures à 5-6 mètres), dans ce cas le système peut disparaitre en une journée et (2) pendant les conditions énergétiques avec des houles d'incidence très nord/nord-ouest, dans ce cas cela prend plusieurs jours pour que le courant de dérive intense lisse les structures sableuses.

Maree et courant de baïne
Exemple de simulation de la disparition de systèmes barre/baïne induite par des houles énergétiques très obliques

 
Que nous reste-t-il à comprendre des systèmes barre/baïne ?

Là encore beaucoup de choses... Alors qu'on connait relativement bien leur comportement, on peine encore à simuler et prévoir ses évolutions. En effet, la dynamique de ces systèmes est régie par des processus hydro-sédimentaires très complexes et couvrant une vaste gamme d'échelles spatio-temporelles (i.e. de la turbulence à l'onde de marée). Pour résoudre ce système, on doit alors faire des approximations, sous forme généralement de paramétrisations. Or celles-ci induisent des erreurs qui, même petites, vont très rapidement s'amplifier et "cascader" jusqu'aux grandes échelles. Si les modèles ne sont donc pas complètement au point d'un point de vue théorique, une autre limitation vient du fait que nous avons très peu de données sur ce système lorsqu'il bouge car, étant situé en zone de déferlement, il n'y a pas de moyen direct pour mesurer la morphologie du fond. Des méthodes alternatives, notamment l'assimilation des données vidéo dans les modèles numériques, sont en cours de développement pour quantifier les évolutions morphologiques. Ceci n'est qu'un petit aperçu de ce qu'il reste à améliorer...

 
En savoir plus?

Pas beaucoup de littérature scientifique en français sur le sujet (cliquer sur le lien pour télécharger le document):

Mon Habilitation à  Diriger des Recherches:
Castelle, B., 2012. Modélisation et analyse physique des processus hydro-sédimentaires contrôlant l'évolution des littoraux sableux. Habilitation à Diriger des Recherches, Université Bordeaux 1.

Un article qui commence à dater et qui se focalise plutôt sur le système de barre plus au large que sur le système barre/baïne:
Castelle, B., Bonneton, P., Butel, R., 2006. , Modélisation du festonnage des barres sableuses d'avant-côte: application à la côte aquitaine, FranceComptes Rendus Géoscience, 338, 795-801.


En anglais, quelques articles pertinents sur les systèmes barre/baïne, ou plus largement les systèmes barre/chenal publiés par notre équipe METHYS (cliquer sur le lien pour télécharger le document):

Michallet, H., Castelle, B., Barthelemy, E., Berni, C., Bonneton, P., 2013. Physical modeling of three-dimensional intermediate beach morphodynamics, Journal of Geophysical Research - Earth Surface,118, 1-15, doi:10.1002/jgrf.20078.

Castelle, B., Coco, G., 2012. The morphodynamics of rip channels on embayed beaches. Continental Shelf Research, 43, 10-23.

Castelle, B., Marieu, V., G. Coco, Bonneton, P., Ruessink, B.G., 2012. On the impact of an offshore bathymetric anomaly on surfzone rip channels. Journal of Geophysical Research - Earth Surface, 117, F01038, doi:10.1029/2011JF002141.

Castelle, B., Ruessink, B.G., 2011. Modeling formation and subsequent nonlinear evolution of rip channels: time-varying versus tim-invariant wave forcing. Journal of Geophysical Research - Earth Surface, 116, F04008, doi:10.1029/2011JF001997.

Sénéchal, N., Gouriou, T., Castelle, B., Parisot, J.-P., Capo, S., Bujan, S., Howa H. (2009). Morphodynamic response of a meso- to macro-tidal intermediate beach based on a long-term data-set, Geomorphology, 107, 263-274.